Qu’il suscite la confusion, l’éblouissement ou la controverse, le col Mao ne laisse personne indifférent. Parfois confondu, souvent applaudi, régulièrement contesté, il compte indéniablement parmi les attributs les plus élégants du vestiaire masculin. Et les plus litigieux.
Avec l’article du jour, nous vous proposons de faire le point sur ce beau bizarre : un col passionnant et lourdement chargé d’histoire.
Les origines du col Mao
Pour trouver l’acte de naissance du col Mao, il faut remonter à la dernière dynastie impériale chinoise : les Qing. D’origine mandchoue, elle a régné sur la Chine de 1644 à 1912, imposant peu à peu ses pratiques culturelles et ses codes vestimentaires. À la Cour, la qipao est par exemple de circonstance pour les femmes. Robe longue et ample intégralement couvrante, elle était ornée d’un haut col scindé dans lequel nous pouvons aisément voir l’ancêtre du col Mao.
Exemple d’une robe de courtisane sous la dynastie Qing, Creative Commons Attribution 4.0 International.
Modernisée et décontractée par la mode shanghaïenne des années 1920, la qipao raccourcit et se rapproche du corps sous le nom de changshan, tout en conservant son célèbre col mandarin. En accompagnant les premières années de la République de Chine, elle incarne un savant mélange de tradition et de modernité, devenant le symbole de l’élégance chinoise.
En 1932, le « Shanghai Express » du réalisateur Josef von Sternberg le présente au public occidental sur les épaules d’Anna May Wong, ce qui contribuera largement à forger sa légende en Europe et en Amérique.
Anna May Wong et Marlène Dietrich dans « Shanghai express », 1932.
Finalement, ce n’est qu’au milieu du siècle dernier que le col mandarin devient officieusement « col Mao » ; référence directe au dictateur Mao Zedong, fondateur de la tyrannique République Populaire de Chine en 1949. La légende prétend que le leader communiste, adepte des cols scindés traditionnels, aurait décidé d’en faire monter sur ses uniformes militaires.
Mao Zedong en 1927, anonyme.
Ironie du sort, c’est lui-même qui fera interdire la qipao en 1966, jugée décadente et par trop occidentalisée. De plus, les photographies présentant le despote affublé du col à son nom sont assez rares après sa prise de pouvoir, tandis qu’elles abondent avant 1949.
Le nom a demeuré, même s’il reste associé à l’un des plus grands meurtriers de masse de l’histoire de l’Humanité. Pour rappel, la révolution culturelle maoïste et sa politique du « Grand Bond » ont causé la mort de dizaines de millions d’individus, entre 30 et 80 selon les sources.
En France, cette appellation s’est trouvée consacrée par la fameuse controverse Jack Lang. Le 17 avril 1985, le Ministre de la Culture se présente dans l’Hémicycle pour une séance de Questions au Gouvernement vêtu d’un costume Mugler à col Mao. Entre moqueries et protestations, la polémique enfle et le terme entre définitivement dans les mœurs.
L’architecture du col Mao
Cousin du col officier, avec lequel il est fréquemment confondu, le col Mao s’en distingue en ceci qu’il n’est pas boutonné. Tous deux brillent par un minimalisme dû à l’absence de rabat, mais le premier affiche une boutonnière tandis que le second en est dépourvu. Aussi, les extrémités du col officier se chevauchent tandis que ceux du col Mao gardent leurs distances (ou s’embrassent tout au plus).
Sur cette infographie réalisée par nos confrères de BonneGueule, vous percevrez aisément cette nuance qui fait toute la différence. De même, vous constaterez que cette paire de cols est la seule qui ne soit pas « retombante », c’est-à-dire pourvue de pans destinés à accueillir une cravate.
Le col Mao selon Hast
Simple et sobre, le col Mao est un modèle d’élégance discrète. Digne héritier des figures décoratives qui ornent depuis des siècles les robes traditionnelles et les kimonos asiatiques, il couronne aujourd’hui des chemises au charme épuré. Bien qu’il ne court pas les rues, nous avons tenu à en intégrer une référence à notre vestiaire, par amour de son dessin modeste et singulier.
En respectant ses codes historiques et en veillant à l’adapter aux exigences contemporaines, nous avons travaillé un col Mao dans les règles de l’art. Choix de la hauteur, calcul de l’ouverture, justesse des proportions, construction du pied, soin du montage : chaque détail a été étudié, conscients que nous sommes qu’un col si dépouillé ne saurait rayonner sans une extrême précision.
Un minimalisme assumé
S’il est un col qui peut faire sien l’aphorisme « less is more », c’est bien celui-là. Contrairement aux cols retombants dont la longueur et le dessin des pans peuvent déboussoler, le modèle Mao est un basique positivement intemporel. Après un demi-millénaire de règne, il est encore présent et bien présent, abordant les 500 prochaines années avec élégance et sérénité.
Monté sur une chemise blanche en popeline double retors, le nôtre joue la carte du classicisme absolu, associant pureté des lignes et rigueur de la coupe. Un travail d’orfèvre au service d’un raffinement incomparable.
Le sens des proportions
La finesse et la simplicité du col Mao se paient au prix d’une relative complexité dans la manière de l’associer. S’il va de soi qu’il ne tolérera ni cravate ni nœud papillon, il est tout aussi vrai qu’il préférera conserver le monopole du cou. En d’autres termes, évitez de l’acculer en l’encombrant d’un pull col rond (qui vous changerait instantanément en ecclésiastique), d’un col V ou d’une surchemise.
Le col Mao est fort visuellement et marque suffisamment la gorge, raison pour laquelle nous vous conseillons d’associer votre chemise à un blazer ou à un costume si vous ne la portez pas seule. Le contraste entre sa ligne atypique et le décolleté d’une veste équilibrera ainsi l’ensemble tout en accommodant les registres.
Dans certains cas, la veste de travail ou tailleur peut aussi s’envisager, à condition d’être portée ouverte au niveau du buste.
Le mot de la fin
Tombée dans le langage courant, l’appellation « col Mao » est aujourd’hui connue et partagée ; le plus souvent dans la plus grande ignorance de son lien avec le dictateur qui lui a donné son nom. Si nous préférons le terme de « col mandarin » pour des raisons évidentes, nous utilisons ici la référence à Mao dans un souci de clarté et d’intelligibilité.
Surtout, nous aimons mieux y voir un vestige de la richissime culture chinoise qu’un emblème politique, ce col sublimant les qipao plusieurs siècles avant que le « Grand timonier » ne tombe sous son charme.
Chez Hast, le col Mao s'embarrasse peu de ces considérations : il n’auréole notre chemise en popeline blanche que pour la magnifier, plus discrètement que d’autres modèles mais tout aussi royalement.