Sébastien, quelle est l’idée générale derrière cette collection capsule ?
« Pour synthétiser 10 ans de Hast, l’histoire devait commencer avec des chemises formelles, se poursuivre avec des chemises casual et s'ouvrir ensuite au reste du vestiaire avec des vestes de travail, des pantalons, des pulls, des tee-shirts, de l’accessoire etc. Finalement, ce vestiaire correspond à celui de tout un chacun ; et l’enjeu pour moi était de consolider et d’accentuer cet équilibre dans la proposition de Hast. C’est typiquement ce qu’on a essayé de faire dans la capsule 10 ans, et c’est véritablement comme ça que je l’ai abordée. Je me suis demandé quelles étaient les dix pièces fondamentales avec lesquelles il était possible de se faire plaisir, combinables à merci tout en ayant quelque chose de cohérent qui corresponde au quotidien du plus grand nombre. L’idée était vraiment d’être le plus juste possible en termes d’adaptabilité et de versatilité, sans tomber dans l’extravagance. Ça peut paraître simple mais c’est une démarche qui demande une extrême rigueur. »
« L’histoire commence avec des chemises », comme tu le dis, et nous remarquons qu’elles sont largement représentées dans cette collection. Pourquoi ?
« Sur les dix pièces de la collection, cinq sont effectivement des chemises. Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est le cœur battant de la marque. De plus, c’est un vêtement avec lequel on peut partir vers du très chic aussi bien que vers du très casual. La chemise permet ça : une matière, une coupe, un col fait basculer d’un côté ou de l’autre, ce qui est extrêmement intéressant. Typiquement, le modèle en denim et celui en laine mérinos n’ont presque rien en commun à part l’essentiel : ce sont des chemises ! »
En tant que styliste, qu’est-ce qui t’a le plus séduit en imaginant cette capsule anniversaire ?
« La possibilité unique, permise par le modèle économique de Hast, de rendre accessibles des matières habituellement introuvables en prêt-à-porter. En arrangeant ponctuellement notre recette classique (pas d’intermédiaires et une marge juste) avec des ingrédients d’exception, nous avons le privilège de proposer pour l’occasion des matières luxueuses ordinairement réservées aux grandes Maisons. C’est une chance extraordinaire, à la fois pour un styliste et pour les clients de la marque. »
Sans nous dévoiler tes secrets, peux-tu nous indiquer quel est le fil rouge de cette collection ?
« Les inspirations 50’s et 60’s sont très présentes, mais il n’y a pas la moindre ambition de « replica » ni de « revival ». J’aime cette esthétique d’un autre temps et il est évident qu’elle infuse dans l’ensemble de la collection, mais il ne faut y voir ni nostalgie ni passéisme. Au contraire, je perçois plutôt ces influences comme le trait d’union entre tradition et modernité. Au fond, c’est vraiment un faux 50-60 ; un 50-60 traité pour être intemporel et apporter la petite touche de raffinement qui fait le charme de la capsule. C’est également cette interprétation libre qui amalgame les tendances casual et formelles : pour faire le grand écart entre une veste de travail et une chemise raffinée, il fallait des éléments liants qu’apportent volontiers l’esthétique rétro du milieu du 20ème siècle. Finalement, ces éléments caractéristiques d’un formalisme en voie d’émancipation permettent de faire le pont entre élégance et décontraction et de structurer la collection pour que les pièces se répondent harmonieusement. Cette cohérence, à mon sens, se retrouve dans les silhouettes qui se marient facilement les unes aux autres malgré les différences de registre. »
Saurais-tu nous donner un exemple ?
« Encore une fois, il s’agit de rendre accessibles des détails ou des volumes qui ne sont plus forcément présents sur le marché. Des subtilités que l’on trouverait plutôt en seconde main ou du côté de marques « niches » onéreuses. Le col popover de la chemise mérinos, le denim réédité de la western shirt, le revers de la veste croisée ou le button-down de l’oxford 1960 en sont de parfaits exemples : nous les avons sortis du passé pour les mettre au service d’une élégance contemporaine, et pas seulement par amour de l’archéologie vestimentaire. Tous respirent la même délicatesse rétro qui donne le tempo de cette collection. Qui lui offre sa patte. Sa signature. »
Les pièces de la collection ne sont déclinées que dans un coloris chacune. Comment as-tu déterminé la palette chromatique de la capsule pour trouver le juste équilibre ?
« Tout simplement en plaçant des petits bouts de matière les uns à côté des autres puis en ajustant pour trouver l’harmonie. En l'occurrence, le fait de travailler des matières naturelles d’exception offre des couleurs sublimées, ce qui facilite le travail. Je pense notamment à la mérinos dont le vert est vraiment singulier, à l’oxford dont la rayure bleue est particulièrement éclatante, au denim très authentique de la western ou au beige presque « taupé » du pantalon. La noblesse de la matière et de la teinture pratiquée se mêlent ainsi à un travail d’association que votre serviteur a essayé de bien faire. Ceci dit, je me suis aussi tenu à un principe de réalité sans m’aventurer vers des choses trop extravagantes. Je voulais rester vrai et réaliste par rapport aux envies globales des hommes. »
À propos de couleur, le rouge de la veste peintre est-il un clin d’œil à celui de la marque ?
« Ça aurait pû… mais pas vraiment ! Honnêtement, on voulait un denim différent et c’est par chance le plus beau qu’on ait trouvé en deadstock chez Nona Source. On cherchait de la structure et de la légèreté, et celui-ci convenait parfaitement. Il se trouve qu’il est rouge, tant mieux ! »
Au milieu de cette collection capsule en forme d’hommage au vêtement, l’introduction d’une cravate est un choix fort. Peux-tu nous en parler ?
« C’est vrai. C’est un peu la touche extravaganza de la collection par son caractère accessoire et ses couleurs fortes - une fois encore sublimées par une soie très luxueuse. Pourtant, elle a le potentiel de se marier avec (presque) toutes les autres pièces de la capsule, ce qui fait d’elle une camarade de choix pour rehausser une tenue et apporter une touche de personnalité. »
Il était impossible de ne pas te poser cette question : quelle est ta pièce préférée ?
« La plus personnelle est sans doute la veste croisée car j’ai concentré beaucoup d’inspirations dans une seule pièce. Des inspirations historiques, d’abord, avec ce revers hérité d’un costume du prince Philip (à l’époque) ; mais aussi des inspirations personnelles à l’image de la sangle intérieure que j’ai empruntée à une veste bespoke japonaise issue de ma propre collection. Finalement, j’ai mis beaucoup de cœur et d’influences dans une pièce connue et reconnue avec laquelle il est relativement difficile d’innover. Sans la dénaturer, puisqu’elle reste une croisée navy, j’ai voulu y injecter un supplément d’âme qui la rend - à mon goût - très aimable et atypique. »
Est-elle celle dont tu es le plus fier ?
« Oui. Oups. Non. Je ne sais pas. En tout cas, c’est celle qui synthétise le plus de choses. (Rires) »
Cette capsule anniversaire exceptionnelle était ta première collection en tant que styliste chez Hast. Faut-il s’habituer à retrouver certains de ses modèles dans le futur ?
« Il va de soi qu’on ne pourra pas travailler régulièrement avec les matières luxueuses proposées exceptionnellement en marge de nos 10 ans, mais il n’est pas exclu de voir certaines coupes, certains cols ou certains designs intégrer nos collections classiques selon l’accueil que les clients vont leur réserver. Le pantalon, par exemple, offre de nombreuses possibilités en termes de couleurs et de matières, ce qui donne envie d’aller plus loin que ces 100 exemplaires en édition limitée. Soit dit en passant, les matières que nous utilisons de manière habituelle dans nos collections sont déjà exceptionnelles pour cette gamme de prix, parole de styliste expérimenté. »
Nous allons proposer cette collection capsule exceptionnelle aux hommes Hast d’aujourd’hui. Pour toi, en quoi sont-ils différents de ceux de la première heure ?
« Il est évident que l’univers du vêtement masculin a beaucoup évolué en dix ans. Depuis 2012, les blogs ont fleuri et favorisé une hausse du niveau de connaissances en matière d’habillement. Le rapport de l’homme au vêtement n’est donc plus du tout le même. Côté client, ce développement du savoir se traduit par une exigence croissante, ce qui n’est pas pour déplaire à Hast dont l’ambition a toujours été de proposer des vêtements intemporels, haut de gamme et accessibles. En une décennie, la donne a complètement changé : nos clients ne s’adressent plus à une griffe mono-produit pour s’approvisionner en chemises de bonne facture, mais font confiance à une marque de vêtements offrant, à travers une gamme complète, honnête et fonctionnelle, la possibilité de se vêtir conformément à des valeurs et à un style singulier. Côté Hast, la différence entre 2012 et aujourd’hui tient d’ailleurs à ce petit supplément d’âme : on ne se contente pas de proposer le meilleur produit au meilleur prix, on ambitionne de changer le quotidien avec des collections consistantes et généreuses célébrant la qualité, le savoir-faire et la justesse. En tant que styliste, c’est ce que j’essaie de faire le plus soigneusement possible. »
Si tu devais décrire cette collection capsule 10 ans en trois mots ?
« Le vestiaire versatile parfait. Bon, « parfait » sonne un peu pompeux puisque c’est moi qui ai bossé dessus (rires). Disons vestiaire versatile iconique ! »
Le mot de la fin ?
« Endimanchez-vous comme bon vous semble, et faites-le tous les jours ! Et surtout, rendez-vous vendredi 10 mars à 10h00 sur hast.fr, pour découvrir cette sublime collection ! "